»

Nov 26

Imprimer ceci Article

Grenoble, ville citoyenne en quête de lumière. Retour sur GEG

L’éclairage nocturne est depuis longtemps symbole de la ville, mais surtout source de sécurité pour les personnes et pour leurs biens. De ce point de vue notre ville, capitale de la houille blanche, fut une des premières villes en France à édifier un service de l’éclairage public municipal, lequel devait devenir la Régie Gaz Electricité de Grenoble.

A l’origine Grenoble produit son électricité et son éclairage, c’est la régie GEG !

De sa fondation en 1903 à 1986, GEG fut un service industriel contrôlé par les élus successifs à la Mairie. Son cadre légal : celui d’une régie de service public local fonctionnant avec un budget distinct et dont l’action est sous contrôle direct des élus. En 1986, Alain Carignon, maire de Grenoble, dans sa frénésie de privatisations, transforme la Régie GEG en Société d’Economie Mixte (SEM GEG). En clair, il privatise. Il met GEG, ses équipements, son réseau, son personnel technique, à la disposition du groupe Lyonnaise des Eaux, devenu Suez depuis, et pour 30 ans ! Depuis, GEG fonctionne aux conditions définies par le groupe financier Suez. Une de ses filiales, la COGAG, s’est même vue offrir par M. Destot, la présidence exécutive de GEG, devenue SEM, alors que la Ville détenait et détient toujours, 51% des parts sociales !

L’histoire de la SEM GEG est celle du démantèlement d’un service public essentiel

Concrètement, GEG passe d’une production de service public communal pour les Grenoblois, à une gestion en vue d’assurer des dividendes à des actionnaires, ceux du groupe Suez d’abord. De 1986 à 2013 ces dividendes cumulés ont représenté pour Suez quelque 30 millions €. La vétusté actuelle de l’éclairage public de la ville en est aussi le résultat. Les administrés du service public sont désormais des clients. La règle du service public est abandonnée pour celle des dividendes de l’actionnaire. Le citoyen se trouve de ce fait rabaissé au statut de client !

Les intérêts du groupe Suez deviennent-ils l’unité de mesure de l’intérêt général ?

En 1994, Raymond Avrillier, élu municipal ayant rompu avec M. Destot et sa majorité, a le courage de se faire le porte-parole des Grenoblois qui protestent contre l’obligation qui leur est faite de payer l’éclairage public avec leurs impôts locaux. En dernier lieu, le Conseil d’Etat jugera en 2011, plus de15 ans après, que l’éclairage public n’étant pas facturé à la ville, il est financé par les impôts locaux. Son arrêt précise que ce coût doit être imputé au budget de la ville. La SEM GEG est sommée d’établir un compte séparé pour l’éclairage et la Ville doit s’en acquitter.
A partir de là, un tournant se dessine. Il n’est pas sans lien avec l’incertitude qui plane désormais sur le renouvellement à venir en 2016, de la convention passée par la Ville avec la SEM GEG. La position du Groupe Ecologie et Solidarité défendant un retour de GEG en régie municipale, se trouve renforcée. La majorité municipale allait s’employer rapidement à conforter le partenariat entre la Ville et Suez via la SEM GEG.
Une première étape est franchie en octobre 2012, sur proposition de M. Destot, la majorité (PS-PC-GO-PRG-de Longevialle) décide, alors qu’elle n’en était nullement obligée, sans explication ni aucune préparation, de soumettre la fourniture de l’éclairage public, depuis toujours confiée à GEG, à la concurrence. Elle choisit pour cela un appel d’offre d’un type particulier : le contrat CREM. De plus elle assortit cet appel d’offre, d’une procédure dite de « dialogue compétitif » pour la désignation de l’attributaire du marché. Ces deux dispositions créent pour la Ville une série d’obligations, d’abord dans l’énoncé de l’appel d’offre : le contrat est passé à la fois pour la fourniture d’énergie et en vue d’atteindre des objectifs chiffrés de performance. Ceci implique une obligation de résultat pour les candidats. Les offres peuvent faire l’objet d’une demande d’expertise par un organisme indépendant de la Commission. C’est ce qui sera fait. Autre contrainte : l’obligation de diriger un dialogue en trois phases : sélection des candidatures, première audition à la présentation des offres, seconde audition avec présentation rectifiée, enfin le choix de la commission sur critères multiples pondérés tels qu’annoncés dans l’énoncé initial de l’appel d’offre. Peu de place est donc laissée à la subjectivité des décideurs.
Le type de  contrat et la procédure de décision ont été choisis à dessein, du fait que GEG était attributaire de ce marché depuis des lustres et que le groupe Suez était considéré selon les propres termes de la majorité municipale d’alors, comme « partenaire de référence ». Bref, une stratégie censée conforter la position du groupe Suez dans le paysage grenoblois. On sait depuis ce qu’il en est advenu, et en tout premier lieu, les menaces qui planent aujourd’hui sur les salariés de GEG.

Tenter d’en finir avec un possible retour de GEG en régie directe ?

Seconde étape : permettre à Suez la conservation de sa position jusqu’en 2043 ! Le contrat de 1986 décidé par A. Carignon venait à terme en 2016. Le débat sur le retour de GEG en régie commençait à devenir un sujet politique brûlant. M. Destot et sa majorité municipale décident de le renouveler toutes affaires cessantes, par anticipation, au prétexte de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat demandant la séparation des comptes du marché de l’éclairage public. La majorité municipale ne lésine pas sur les éloges faits au groupe Suez. Elle rend compte ainsi des raisons de son choix :« Tout d’abord la satisfaction des grenoblois pour la formule et le service rendu… Ensuite les atouts d’une SEM pour répondre aux contraintes de fonctionnement, à la complexité et la technicité de l’activité et la nécessité de s’appuyer sur le professionnalisme et l’expérience d’un groupe industriel. » Personne n’est dupe : au-delà de l’éloge de la SEM, c’est une déclaration d’adhésion aux intérêts du groupe Suez qui serait dépositaire du bien public. Ce sera aussi, l’un des enjeux majeurs de la future campagne des élections municipales de 2014. Dix huit mois plus tard, les électeurs trancheront -de belle manière- pour le retour de GEG sous le contrôle de la Ville.

Quel avenir souhaitons-nous pour GEG et ses personnels ?

Depuis quelques semaines l’ancienne majorité municipale aidée par la droite, crie au loup ! Nous serions favorables au dépeçage de GEG, à la dévalorisation de son patrimoine et à son démantèlement, sans aucun égard pour les personnels menacés dans leurs emplois. Autant d’attaques contre le Rassemblement et son programme, de la part de ceux qui dans les faits se font les garants des prébendes de Suez. J. Safar prétend que le refus de choisir GEG pour le marché de l’éclairage public fait craindre « un piège mortel pour l’ensemble de la SEM et de ses collaborateurs » et d’interpeller ainsi le Rassemblement : « (une régie) n’obligerait-elle pas à vous séparer de plusieurs centaines de collaborateurs dont l’emploi dépend des activités ouvertes à la concurrence ? » Est-il besoin de commenter ?
Alors que la construction d’un grand service public de l’énergie reste plus que jamais à l’ordre du jour, il nous faut dire et redire qu’un tel objectif n’aurait aucun sens politique s’il ne comportait pas le maintien de l’intégralité de l’emploi, des conditions de travail et le niveau de rémunération ; ce que prévoient du reste les textes légaux.
Les salariés de GEG, inquiets, sont intervenus afin de stopper la procédure choisie par la précédente majorité. Les syndicats ne s’étaient pas manifestés sur ce sujet depuis de nombreux mois, focalisant leur énergie sur le « plan de performance GEG » initié par leur direction et soutenu par la majorité municipale précédente. Ils ont interrompu brutalement la séance du Conseil Municipal. Le Parti de Gauche Grenoble exprime son rejet total de ce moyen d’action.
Nous appartenons au Rassemblement Citoyen, de la Gauche et des Ecologistes, nous en sommes acteurs à part entière. Nous souscrivons pleinement à la proposition exprimée par Eric Piolle de rechercher toutes les solutions possibles dans le cadre réglementaire et légal, pour sortir de la situation actuelle de blocage, sans faire l’impasse sur la question d’un futur retour de GEG en gestion publique. Le Parti de Gauche reste plus que jamais attaché à ce que les salariés de GEG et leurs représentants syndicaux soient associés à cette recherche. Il rappelle ce qui a toujours été sa position : le service public de l’électricité et du gaz ne deviendra réalité qu’en y associant ceux qui sont les premiers concernés : les salariés de GEG.

Les cérémonies commémoratives du 11 novembre viennent de nous rappeler le rôle de Grenoble dans la Résistance. Aujourd’hui la continuité dans la résistance s’impose, face au nombre croissant des démunis et des exclus. L’accès de tous aux biens vitaux redevient un enjeu politique essentiel. La reconquête des droits confisqués en est un des moyens. La reconquête citoyenne de ce qui fut institué au lendemain de la victoire de 1945 est de nouveau à l’ordre du jour. L’accumulation des profits des groupes financiers y fait obstacle. Résister à cette heure, c’est poser les jalons de la reconquête des moyens de la puissance publique. Le chemin de l’émancipation passe par là.
Grenoble, 13.11.2014

Lien Permanent pour cet article : http://grenoble.lepartidegauche.fr/?p=17

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser les balises HTML suivantes : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>