Catherine tu es élue du rassemblement et militante du PG, pourrais-tu nous dire quel a été ton parcours pour arriver au poste d’adjointe ?
En fait tout est parti des manifestations contre la réforme des retraites en 2010. J’y voyais beaucoup de drapeaux Front de gauche et j’ai voulu en savoir plus.
Chez moi, je n’ai pas souvenir d’un seul repas de famille qui ne se termine sans parler de politique et parfois c’était assez animé. Si bien que, par la force des choses, je m’y suis intéressée. Mais sans sauter le pas de vouloir adhérer à un parti d’autant qu’aucun ne me tentait vraiment. Et aussi, j’avais d’autres priorités : ma famille, mes enfants …
Pour dire la vérité, je connaissais vaguement Jean-Luc Mélenchon pour l’avoir vu plusieurs fois lors d’émissions télévisées en 2007 avant et pendant la campagne des élections présidentielles et j’avais été intriguée par cet homme qui ne mâchait pas ses mots. Mais bon, il était au PS et, à l’époque, cela faisait dix ans que je faisais partie des nombreux déçus du Parti Socialiste.
Pour en revenir à l’automne 2010, quand j’ai vu ces nombreux drapeaux Front de gauche, j’ai décidé d’en savoir plus. Je me connais et je sais que lorsque je m’engage je le fais pour de bon. Je prends donc mon temps, je pèse le pour et le contre si bien que j’ai attendu quelques temps encore, j’ai effectué quelques recherches avant de me décider à contacter … le PG Paris afin de savoir quand il y aurait des réunions Front de gauche afin de savoir ce qu’il s’y disait. J’ai acheté Qu’ils s’en aillent tous et ça a été le déclencheur. J’ai décidé de m’engager dans la campagne présidentielle de 2012 et, de fil en aiguilles, je me suis retrouvée sur la liste du Rassemblement. Le plus comique dans l’histoire c’est que, nous le savons tous, l’argent c’est le nerf de la guerre et j’ai adhéré au PG plus pour y apporter ma modeste contribution parce que j’y crois que dans la perspective d’un « plan de carrière » !
Tu n’avais donc que que très peu d’expérience politique, tes engagements associatifs t’ont-ils aidé à trouver ta place dans le fonctionnement de la municipalité ?
Très peu d’expérience en effet. Comme je l’ai dit, je n’avais jamais voulu adhérer à un parti politique y compris parce que j’ai toujours tenu à garder mon indépendance mais, surtout, parce que je n’avais jamais trouvé un parti qui me donne envie de le rejoindre.
Quant à mon expérience dans le monde associatif, je dirais a posteriori qu’en effet elle m’a beaucoup aidée. J’ai été bénévole au sein d’une association qui travaille auprès des plus démunis, des sans domicile fixe. J’y ai, ou plutôt, ELLES/ILS m’ont beaucoup appris. Tu sais, quand tu les côtoies régulièrement, que tu prends le temps de parler avec eux, ça te remet bien les pendules à l’heure. Ne serait-ce que lorsque tu te lèves un matin d »hiver et que tu ouvres tes volets. Tu ne te dis pas qu’il fait froid mais que tu as de la chance d’avoir un toit sur la tête !
Mais surtout, parce que ce n’est pas toujours évident ni facile de côtoyer le malheur, tu es obligé de prendre du recul. Et ça je dois dire que oui, cela me sert chaque jour dans l’exercice de mon mandat.
Ne pas juger de prime abord, ne pas avoir d’a priori mais apprendre, chercher à comprendre les choses et analyser les situations. Tout n’est pas noir ou blanc, il y a une multitude de gris entre les deux. Et il faut savoir faire la part des choses.
Tu es adjointe du secteur 6… comment décrirais-tu ce secteur que tu connais bien maintenant ? Quelles sont les principales difficultés des gens que tu y rencontres ?
Disons que je commence à le connaître. N’y habitant pas, je suis arrivée avec un regard vierge ou presque. Parce que peut-on parler vraiment de regard vierge quand les médias ont fait et font encore un tel tableau de ce secteur sud de Grenoble. Or, j’ai découvert qu’il n’a rien à voir avec ce qu’on a pu lire ou entendre. Même si je ne nie absolument pas les problèmes qui sont le quotidien des habitants. Pour le décrire, c’est le plus petit géographiquement parlant, le plus ramassé. Le moins disparate aussi puisque, malheureusement, il concentre aussi en terme de proportion comparée aux autres secteurs, le plus grand taux de précarité et de chômage. Non pas que le reste de la ville soit uniquement peuplé de catégories socioprofessionnelles aisées, il y a d’autres quartiers populaires où l’ont note une forte précarité mais on peut dire que sur le secteur 6 environ les 2/3 de la population, voire un peu plus, sont dans une situation financière très difficile avec un taux de chômage très important, surtout chez les jeunes. Nettement plus que sur tout le territoire grenoblois. La mixité sociale qui était le moteur de cette « ville nouvelle » lors de sa construction s’y est peu à peu désagrégée même si tout le monde s’accorde que le virage date des années 80. Les plus aisés sont partis et on a favorisé, voire concentré là les plus pauvres.
Pour autant c’est un secteur très jeune, très dynamique avec un maillage d’associations assez phénoménal. Il y règne, malgré les problèmes liés à ce que je viens d’expliquer et qui sont loin d’être négligeables, une certaine convivialité, un esprit « village » qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs et bien loin des clichés véhiculés par les médias. Peut-être est-ce lié à la configuration des quartiers essentiellement piétons avec beaucoup d’espaces verts, des places où les gens se retrouvent. Il s’y passe souvent quelque chose, que ce soient des moments sportifs ou festifs.
Surtout, ce qui est frappant c’est à quel point les habitants sont attachés à leurs quartiers, à leur secteur !
Tu es plus en contact avec les habitants ou avec des associations ?
Les deux. Cela dépend des jours, des besoins des uns ou des autres. J’essaie de me rendre le plus disponible possible même si ce n’est pas toujours évident. Je suis évidemment en contact avec les différentes associations. Je siège d’ailleurs aux conseils d’administration de certaines d’entre elles, aux assemblées générales. Mais pas de toutes, c’est frustrant mais c’est impossible.
En ce qui concerne les habitants, c’est différent. Je les croise quand je me déplace sur le secteur mais, afin d’être plus à l’écoute, j’ai maintenu les permanences que j’effectue une fois par mois et à tour de rôle dans les trois MDH (Maison des Habitants) du secteur. Et s’il en est besoin, il reste toujours la possibilité de consacrer un temps plus long à qui le souhaite en fixant rendez-vous.
Il en est toujours certains pour trouver que ce n’est pas assez mais je pense que le rôle, le devoir d’un-e élu-e, quand bien-même il ou elle soit un-e élu-e de secteur, ne se résume pas exclusivement à déambuler dans les rues, à serrer des mains ou caresser les têtes des enfants mais à travailler sur les dossiers et œuvrer au mieux pour l’intérêt général.
Quelle est ton action dont tu es la plus fière ?
Question difficile ! D’abord, en dehors du fait que j’ai du mal avec cette notion de fierté, surtout personnelle, je pense qu’il est prématuré de parler ainsi. Nous verrons à la fin du mandat. Pour le moment je préfère penser collectif, travail d’équipe. Lors de notre élection, nous avions établi un calendrier de ce que nous voulions accomplir sur la première année et nous avons tenu nos engagements.
En l’occurrence, pour répondre plus précisément, c’est sans doute tout ce qui touche à la démocratie participative. En effet, parmi nos 120 engagements, figuraient la création des Conseils Citoyens Indépendants, celle du budget participatif et le droit d’interpellation des Grenoblois. Les CCI ont été créés grâce au travail commun de citoyens, des services de la ville que l’on peut saluer ici et des élus, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Désormais, les CCI sont sur les rails et ils commencent à vivre leur vie. Nous avons également lancé les appels à projet dans le cadre du budget participatif avec plus de 165 dossiers dont 30 ont été retenus après une journée d’étude par des citoyens grenoblois et dont le choix final a eu lieu les 18 et 19 septembre lors d’un vote en mairie où tout habitant de plus de 16 ans a pu participer. Plus de 1000 grenoblois se sont exprimés. Pour une première ce n’est pas mal… mais il faudra faire mieux l’an prochain !
Cela a représenté une somme de travail considérable, de nombreuses réunions pour mener à bien ces deux chantiers. Il faudra faire un bilan, toujours avec les Grenoblois qui se sont investis, et voir avec eux comment améliorer ce qui fonctionne mal ou palier les éventuels dysfonctionnements. Mais, si je ne parle pas en terme de fierté, je suis contente d’avoir participé à cette mise en place et à cette manière de faire de la politique autrement. Tout un chacun fait partie de la vie de la cité et elle/il doit avoir droit au chapitre.
Et au sein des élus du RCGE, comment ça se passe pour toi ? Comment le PG fonctionne-t-il ?
Je dirais plutôt bien. Le rassemblement s’est constitué autour d’idées communes et d’un programme écrit à plusieurs mains. Il nous est apparu naturel de constituer alors, après l’élection, un groupe unique dans lequel chaque composante aurait toute sa place. Nous travaillons donc à 42. Il n’y a pas un « chef » qui décide et des subordonnés qui obéissent. Chacun-e d’entre nous apporte sa pierre à l’édifice. Et s’il nous arrive de ne pas être d’accord sur tout, nous en discutons. Pour autant, chacun-e garde son autonomie. Je pense que c’est aussi cela qui fait la force de ce rassemblement dans lequel le PG tient toute sa place. Ni plus ni moins. Cela dit, nous sommes tous animés par une même recherche de l’intérêt général. Ce qui est, il faut quand même le souligner, une véritable gageure compte tenu de la situation financière dans laquelle nous avons trouvé la ville à laquelle s’ajoute la baisse des dotations de l’État qui n’arrange rien ! Nous sommes face à un défi que nous devons relever.
Tes objectifs prochains ? les plus gros problèmes à régler ?
Comme tu le sais, les 2/3 du secteur font partie des Quartiers Politique de la Ville et feront l’objet d’une grande rénovation urbaine. Mes objectifs sont donc forcément liés à ce projet. Nous allons travailler en étroite collaboration avec les habitants sur une vision globale. Rénover des bâtiments est une chose mais cela n’est rien si l’on ne réussit pas à y intégrer des thèmes comme tout ce qui touche à l’éducatif, à la scolarité, aux équipements, à la mixité sociale. Même si on met souvent tout et n’importe quoi dans ces deux mots. Au PG nous sommes très sensibles au buen vivir, au bien-vivre. C’est cela qui m’anime. Cela peut paraître utopique mais c’est vers quoi nous devons tous tendre il me semble.
Quant aux problèmes ils sont nombreux. En premier lieu la précarité et le chômage. Mais cela dépasse, hélas !, le simple cadre de la municipalité ! Il y a également tout ce qui touche à l’environnement, au cadre de vie. Si je n’ai que quelques exemples à donner, il y a le problème des petits commerces qui, s’ils sont en difficulté sur tout le territoire, voient celle-ci accrue compte tenu de ce que j’ai expliqué avant. Il a aussi le celui du patrimoine foncier de la ville qui a manqué cruellement d’entretien. J’ai en tête plus précisément les écoles, et surtout l’une d’entre elle sur mon secteur qui nécessiterait des travaux de rénovation importants, ou encore le théâtre Prémol et l’AJAV qui ont brûlé en avril dernier. Et cela pour ne citer que ces cas précis. Mais il y a beaucoup à faire. Tout cela dans le contexte financier que l’on connaît. Ce n’est pas simple mais si ça l’était, il y a longtemps que ça se saurait !